Depuis un certain nombre d’années, une mairie peut exercer son droit de préemption lors de la cession d’un bail commercial ou d’un fonds de commerce, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Cela rappelle le droit de préemption lors de la cession d’un bien immobilier.
Rappelons que le droit de préemption est l’avantage qui est donné à quelqu’un, soit par la loi (ce qui est le cas en l’occurrence), soit par une disposition contractuelle, de pouvoir se substituer à l’acquéreur d’un droit ou d’un bien pour en faire l’acquisition à sa place et dans les mêmes conditions que ce dernier.
LE DROIT DE PREEMPTION
Chacun d’entre nous a remarqué que les centres-villes se ressemblent tous désormais : une, ou plusieurs, rues piétonnes rénovées, bien propres, sur lesquelles s’affichent les mêmes enseignes, que l’on soit à Dunkerque ou à Nice : pour exemples, MAC DO, ZARA, MANGO, JULES, JACADI, SANDRO, MAJE etc…
Cette diversité apparente n’est en réalité que monotonie et uniformisation de nos cités.
Autre désagrément : ces enseignes se sont souvent installées en lieu et place de commerces de bouche et d’artisans, et on peine donc à trouver dans leur environnement un boulanger, un boucher, un cordonnier ou un serrurier.
Le législateur a donné aux maires un outil pour essayer de remédier à cette situation : c’est le droit de préemption des municipalités lors de la cession d’un fonds de commerce, d’un bail commercial, d’un fonds ou d’un bail artisanal.
Cette innovation a été créée par une loi du 5 aout 2005, complétée plusieurs fois depuis.
NOUVEAUTE : Le droit de préemption de la mairie à Paris aussi
Afin qu’il puisse s’exercer, le droit de préemption doit d’abord avoir fait l’objet d’une délibération du conseil municipal pour qu’il soit instauré.
A ce sujet, les rédacteurs d’actes étaient tranquilles : à Paris, il n’y avait pas de droit de préemption sur les cessions de fonds de commerce.
Cela n’est désormais plus vrai !
Le Conseil de Paris, par délibération numéro 2024DAE26D6 – 9 février 2024, a approuvé l’instauration du droit de préemption sur les baux commerciaux, les fonds de commerce et les fonds artisanaux sur une partie du territoire parisien.
Ce droit de préemption s’applique à compter du 7 aout 2024 dans le périmètre suivant :
- La totalité du 5ème arrondissement
- La totalité du 6ème arrondissement
– dans le 7ème arrondissement :
. rue du Bac, numéros du 2 au 26 et du 1 au 25
. rue de l’Université numéros du 2 au 42 et du 1 au 25
. rue des Saints-Pères numéros du 2 au 20
. toute la rue de Verneuil
. toute la rue Allent
. toute la rue de Beaune
. rue de Lille, numéros du 2 au 50 et du 1 au 37
. tout le quai Voltaire
Gageons que la liste des arrondissements et des rues ne cessera de s’allonger à l’avenir…
LA PROCEDURE DE PREEMPTION COMMERCIALE
Toute cession d’un bail commercial, d’un fonds de commerce, d’un fonds artisanal doit faire l’objet d’une déclaration préalable de cession, sous peine de nullité de celle-ci, laquelle peut être recherchée en justice pendant une durée de cinq années à compter da la connaissance des faits.
La « purge » du droit de préemption doit s’effectuer par la notification à la mairie du formulaire CERFA numéro 13 644*02, par lettre recommandée AR, lequel doit mentionner le prix de cession, l’activité du candidat acquéreur, le nombre de salariés, ainsi que les conditions essentielles de la cession, outre le chiffre d’affaires.
La mairie dispose d’un délai de deux mois pour préempter.
Ce délai est prolongé si elle demande des renseignements complémentaires.
Sans réponse à l’issue de ce délai, la mairie est censée avoir renoncé à l’exercice de son droit de préemption.
LES SUITES DE L’EXERCICE DU DROIT DE PREEMPTION PAR LA
MAIRIE
Lorsqu’elle exerce son droit de préemption sur le fonds ou le bail, la mairie doit payer le même prix que celui sur lequel s’étaient mis d’accord le commerçant, ou artisan, et son candidat acquéreur.
Si la mairie offre un prix inférieur, elle a l’obligation de saisir elle-même le Juge de l’expropriation.
Devant celui-ci, le propriétaire et la mairie plaideront chacun la légitimité de leur prix, la mairie devant convaincre d’une évaluation excessive dans le prix qui lui a été notifié.
Si elle ne saisit pas le Juge de l’expropriation dans le délai de deux mois de sa notification au propriétaire, elle est considérée ipso facto comme ayant renoncé à l’exercice de son droit de préemption.
L’acte constatant la cession à la mairie doit être régularisé dans un délai de trois mois suivant la notification de l’accord amiable sur le prix et les conditions de la cession ou du jugement fixant le prix (jugement lorsqu’il est devenu définitif).
Mais, si la mairie ne respecte pas ce délai de trois mois, le législateur n’a prévu aucune sanction…
La loi fixe ensuite un délai de deux années à la mairie pour trouver un repreneur du fonds ou du bail qu’elle a acquis.
Ce délai de deux années est porté à trois années si le bien a été mis en location gérance libre.
Le candidat acquéreur initial, s’il est toujours intéressé, et que la mairie n’a pas rétrocédé le bien dans les délais requis, bénéficie d’un droit de priorité pour acquérir, mais, à condition cependant que son identité ait été précisée sur le formulaire CERFA valant déclaration préalable de cession.
En ce qui concerne le bailleur, si le bien est rétrocédé par la mairie, celui-ci doit donner son accord préalable aux conditions de la rétrocession, sous peine de nullité de celle-ci.
Il a un délai de deux mois à compter de la notification des conditions de la cession qui lui aura été faite par la mairie pour saisir le juge, lequel sera chargé de départager le bailleur et le conseil municipal.
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Le droit de regard dont disposent désormais les mairies sur la répartition des commerces de leurs centres-villes est à l’évidence nécessaire, et constitue donc un réel progrès en matière d’aménagement des territoires.
Mais, cela a un inconvénient pour les rédacteurs d’acte de vente de fonds de commerce, car cela constitue une formalité supplémentaire, un délai qui se surajoute ou se superpose à d’autres (obtention d’un financement bancaire, obtention de l’accord du bailleur etc…), et à d’autres formalités qui n’existaient pas il y a peu, tels que les diagnostics techniques obligatoires.
Mais, qui pourrait citer un domaine dans lequel on nous aurait simplifié la vie ?
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Maître Gérard DOUKHAN, Avocat spécialiste en droit commercial à Paris, et en vente de fonds de commerce, certifié par le Conseil de l’Ordre, vous conseille, vous assiste, et plaide au mieux de vos intérêts.
Tel : 01.42.65.50.64 | Mail : maîtredoukhan@orange.fr
Article mis en ligne en décembre 2024
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